IV. L’Âge d’Or
● 1979 : Un nouveau chapitre commence pour les Scorps. La tournée triomphale au Japon les a conforté dans leurs ambitions : réaliser leur rêve d’avoir un succès aussi mondial que les groupes anglais et américains. Leur prochaine étape s’annonce la plus difficile : les Etats-Unis. Une aventure en laquelle, une fois encore, peu de monde croit, à l’image de leur maison de disques RCA qui les lâche, jugeant l’objectif trop risqué. Qu’à cela ne tienne, Rudolf et Co signent avec EMI-Harvest et dégainent une arme de conquête imparable : l’album Lovedrive (“Virée d’Amour”... avec les States ?).
Sur le disque, on sent tout de suite un changement de cap musical. Avec le départ d’Uli, Rudolf devient le boss au niveau musical et cela se traduit par un métal beaucoup moins mélodique et nettement plus heavy et incisif, bâti autour de la rythmique destructrice estampillée Schenker. Le riff devient la marque de fabrique du groupe, et c’est à coups de ces riffs venimeux que Scorpions va mener sa conquête du monde et construire sa renommée. Côté paroles, là encore il y a du changement. Sous l’impulsion de Klaus et Herman, fini les thèmes de l'harmonie avec la nature et les autres trucs de hippie ; maintenant c'est sexe, bière et rock’n roll !
La couverture du disque, jugée indécente par les conformistes locaux, est interdite aux Etats-Unis. Une pochette censurée de plus, une ! Ce qui ne l’empêche pas d’être élue couverture de l'année par le magazine Play-Boy.
Pour le petit nouveau Matthias Jabs, tout n’est pas rose. Déjà qu’à son arrivée les autres membres n’ont pas voulu lui filer de disque du groupe et qu’il a dû se les payer lui-même... Voilà que, en plein enregistrement de l’album débarque Michael Schenker. Ce dernier a quitté UFO suite à ses disputes avec Phil Mogg et fait le forcing auprès de son grand frère pour qu’il le reprenne au sein de Scorpions. Rudolf, sceptique, finit par accepter et Michael termine trois morceaux du disque, puis part en tournée avec le groupe. Les fans se disent alors que la paire des frères Schenker est reformée, tandis que Matthias reste sur le bord du chemin.
Le groupe fait salle comble partout et décroche le contrat tant attendu, avec le label Mercury, pour être diffusé aux Etats-Unis. Malheureusement, comme on pouvait le redouter, Michael montre de graves signes d’instabilité. Et c’est en France, à Lyon, que se produit l’événement. Michael plante le groupe et disparaît, pour aller acheter de la came d’après certains. Rudolf rappelle Matthias en catastrophe et celui-ci termine la tournée, devenant ainsi définitivement un Scorpion.
Le groupe tient désormais son line-up mythique : Klaus Meine, Rudolf Schenker, Matthias Jabs, Francis Buchholz et Herman Rarebell. La tournée américaine qui suit, en première partie de Ted Nugent, est un succès. Ça y est, le groupe réalise son rêve. C’est le début de l’Âge d’Or.
Le groupe était censé mourir. Toutes ces galères, tous ces changements lui ont, au contraire, forgé un caractère, une identité et une volonté tels qu’ils ont pu décrocher le succès qu'aucun groupe non anglo-saxon n'avait jamais eu avant. En fait, c’est là l'un des énormes apports de Scorpions au heavy-metal et même à la scène musicale internationale : il a brisé le tabou anglo-saxon. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas anglophone qu’on n’est pas capable de riffer à mort !!! Tous les groupes de metal finlandais, italiens, hollandais, brésiliens connus aujourd’hui doivent cela à Scorpions.
●- 1980 : Sur leur lancée, les Scorps enregistrent un nouvel album : Animal Magnetism (“Magnétisme Animal”). Le disque est dans la lignée de Lovedrive mais, sorti entre deux tournées américaines, il est victime, au niveau de la prod’, du manque de temps du groupe. Cela ne l’empêche pas de dépasser Lovedrive dans les charts américains ; le groupe réussira le tour de force d’avoir ses deux albums dans le Billboard. Plus heavy et plus homogène que son prédécesseur, Animal Magnetism reste un disque trop méconnu et mésestimé, alors qu’il recèle son lot de pépites. Il faut plusieurs écoutes pour en apprécier la saveur.
A noter, cette fois, que la pochette n’est pas censurée. Tout n’y est que suggéré...
La tournée qui suit est un nouveau succès, et le groupe peut s’adonner à fond au mode de vie heavy-metal, en compagnie des groupes avec qui ils partagent la scène, notamment Def Leppard. Au programme : riffs à faire headbanguer, beuveries monstres et des groupies différentes chaque nuit. Les joies de la vie de rock stars...! Ces nuits de folie seront racontées dans la chanson Now! qui sortira sur l’album suivant. Les infidélités à leurs compagnes étaient déjà évoquées dans les paroles d’Only a Man, sur Animal Magnetism. Mais cette vie sur le fil du rasoir n’est pas sans conséquence et vaudra à Rudolf... un black-out.
L’apothéose de cette tournée est la participation du groupe à la 1ère édition du célèbre festival Monsters of Rock, avec Rainbow et Judas Priest.
Le Animal Magnetism Tour aurait pu durer encore plus longtemps, mais le groupe doit l’écourter, car la voix de Klaus montre des faiblesses inquiétantes...
● 1981 : Une année de rêve et de cauchemar pour le groupe.
Une année de rêve, car leur maison de disques leur offre un séjour de longue durée dans une villa dans le sud de la France pour y composer le nouvel album peinards. Un symbole de la mentalité de l’époque. Des conditions idéales pour des rockers voulant composer.
Une année de cauchemar, car Klaus, après avoir consulté un spécialiste, apprend que ses cordes vocales sont trop abîmées et qu’il doit subir une intervention chirurgicale. Il perd sa voix pendant 7 mois. Sept longs mois où, en studio, il ne peut pas chanter et donne ses avis sur les compos en les notant sur un carnet... C’est une période très dure pour Klaus et il en vient à penser au suicide, tellement le chant est capital dans sa vie. Pour les démos, le poste du chanteur est assuré par Don Dokken (chanteur de Dokken), autre protégé du producteur Dierks, et on se dit qu’il va peut-être devenir la nouvelle voix de Scorpions.
Heureusement, Klaus retrouve sa voix en septembre et peut enregistrer ses parties en novembre. Tout est bien qui finit bien. De toutes façons, personne ne pouvait le remplacer au sein de Scorpions. Don Dokken était un choix de Dierks. Comme Herman l’a expliqué, les Scorps étaient un groupe d’amis soudés et jamais ils n’ont pensé une seule seconde continuer en laissant Klaus derrière eux. Cette épreuve donne au groupe une unité renforcée et, avec la rage d’en découdre qu’en a tiré Klaus, tout est réuni pour que l’album suivant soit un feu d’artifice.
